La violence institutionnelle comme mode d'ajustement de filière : ethnographie et lecture goffmanienne d'une institution médico-sociale.
Établissement de soutenance : Université Lumière Lyon 2, 2011
Thème : Travail social : établissements
Mots-clés : Analyse institutionnelle ; Violence institutionnelle ; Établissement social et médicosocial ; Stigmatisation ; Goffman Erving ; Observation participante ; Instituteur spécialisé ; Vie quotidienne ;
Discipline : Ethnologie
Région de soutenance : Rhône-Alpes
Directeur(s) : Hoss, Dietrich
Numéro national : 2011LYO20008
Permalien Sudoc : http://www.sudoc.fr/15812989X
Résumé : Notre société possède une vaste coulisse contenant nombre d'individus considérés comme improductifs, déviants, inadaptés. Une partie de cette coulisse a pour fonction de contenir ces individus, et de les maintenir, parfois une vie durant, à la périphérie de notre évolution sociétale, dans des espaces n'ayant qu'une porosité réduite, voire nulle, avec la matrice sociale de référence. Ce processus de maintien repose sur la logique de filière : institution pour enfants, puis pour adolescents, puis pour adultes travailleurs, puis maison de retraite adaptée. La stabilisation de cette population dans ces cantonnements se fabrique avec les effets pervers du fonctionnement institutionnel, et notamment avec la violence institutionnelle qui régule ce fonctionnement. Pour illustrer cette idée, et tenter de décortiquer cette violence (issue d'une commande utopique, d'une mission originellement impossible à mettre en place) qui entrave les rouages de tout établissement "spécialisé", notre travail de recherche propose de mettre en perspective cette violence institutionnelle, inhérente au fonctionnement d'un institut-médico-professionnel recevant des adolescents placés et orientés par les instances officielles pour "déficience intellectuelle légère". Cette étude est une ethnographie de terrain, puisque la méthode de travail repose exclusivement sur une observation participante. L'auteur, endossant la mission d'instituteur spécialisé, a passé six ans dans la structure avec ce statut, avant de l'observer pendant deux autres années, consignant sur un carnet de bord des scènes de vie quotidienne se déroulant dans l'institution (salle de classe, couloirs, salle du personnel, salle de réunion, réfectoire, …), mais aussi à l'extérieur de l'institution (rue, espaces divers, …). Inspiré par la sociologie d'Erving Goffman, cette analyse institutionnelle qualifie la structure selon des concepts goffmaniens (institution totale, institution totalitaire), des concepts de l'école de Chicago réajustés (institution bâtarde), voire des concepts élaborés (institution stigmate). Nous proposons de démontrer comment la promiscuité entre les usagers, l'hétérogénéité de la population, la complexité de la mission confiée à l'institution, la sanction du placement institutionnel, et la condition du personnel fabriquent un ensemble complexe, inextricable, pathogène, bridant l'évolution du pensionnaire de l'institution médico-sociale, "l'ajustant" à la filière suivante, et le maintenant dans une coulisse sociale ne lui offrant pas de perspective échappatoire, ni de retour vers "la société mère".
Thèse publiée : Vivre et travailler en institution spécialisée : la question de la prise en charge / Christophe Dargère. - Lyon : Chronique sociale, DL 2014. - (Comprendre la société). - ISBN 978-2-36717-014-5.