La correctionnalisation de l'avortement dans la France de l'entre-guerres : les femmes pauvres face à la répression.
Établissement de soutenance : Université d'Angers, 2020
Pagination : 252 p.
Thème : Santé-Santé publique
Mots-clés : Interruption volontaire de grossesse ; Législation ; Politique publique ; Classe sociale ; Politique familiale ; Répression ; Femme ; Pauvreté ; Justice ; Contrôle social ;
Période historique : 1920-1930
Discipline : Histoire
Région de soutenance : Pays de la Loire
Directeur(s) : Bard, Christine
Numéro national : 2020ANGE0052
Permalien Sudoc : https://www.sudoc.fr/260773123
Accès au texte intégral : https://theses.hal.science/tel-03596442
Résumé : Entre 1810 et 1923 l'avortement en France est considéré comme un crime jugé en Cours d'Assises. La loi du 27 mars 1923, requalifie l'avortement en délit, le plaçant sous la juridiction du tribunal correctionnel. Une analyse de cette nouveauté pénale et des motivations de cette astuce juridique, révèlent comment un lobby conservateur construit une rhétorique de la "crise de dépopulation" et la manipule pour faire adopter des lois régissant la fertilité féminine. Cette loi fait partie d'un arsenal juridique, auquel on peut ajouter les lois de 1920 et 1939, établit pendant l'entre-deux guerres pour maintenir la femme dans son rôle traditionnel de femme au foyer entourée d'enfants. Les promoteurs de ces lois estiment que seule la préservation de la famille patriarcale avec la mère « enceinte et pieds nus au cuisine » est la solution à ce qu'ils perçoivent comme un « débâcle démographique » qui ne cesse de s'aggraver depuis la Grande Guerre. Des historien.nes considèrent l'adoption des lois sur la réglementation de l'avortement comme un signe du pouvoir de ce mouvement antiféministe durant cette période. Néanmoins, leurs actions politiques ne parviennent pas à augmenter le taux de natalité avant la fin de la IIIe République. Comment pouvons-nous expliquer cet échec ? Qu'est -ce que cet échec nous apprend de l'histoire des femmes de l'entre-deux-guerres en France ? La réponse à ces questions est fournie grâce à une analyse détaillée de la rhétorique d'anti-avortement de ces militants familialistes-natalistes, mise en contraste avec des récits d'expériences réelles d'avortement rassemblées dans les procès-verbaux de quatre tribunaux correctionnels où se déroulent des procès pour avortement. Il y a une rupture complète entre la rhétorique familialiste-nataliste et la réalité de l'avortement, ce qui explique en partie l'échec de la politique répressive de l'époque. Les recherches dans les archives judiciaires montrent que les autorités judiciaires ne perçoivent pas l'avortement comme un problème de déclin de la population. Elles utilisent plutôt des enquêtes et des procès pour avortement non seulement pour condamner des femmes en vertu des dispositions de la loi, mais également pour les humilier méthodiquement en public afin de détruire leurs réputations. Ces juges, qui partagent la vision dominante sur le rôle social de la femme, se servent de ces procès comme un outil de contrôle social des femmes. Mais ce sont surtout des femmes de la classe populaire qui paient le prix le plus élevé pour leur choix d'avorter.