La transmission des compétences professionnelles des aides-soignantes et des préposés aux bénéficiaires dans les organisations gériatriques en France et au Québec : comparaison internationale sur le rôle central de l'intégration à l'organisation comme processus d'habilitation des nouvelles recrues par le groupe de pairs.
Établissement de soutenance : Université de Franche-Comté, 2011
Pagination : 1 vol. (314 p.)
Thème : Grand âge-Vieillissement
Mots-clés : Aide soignant ; Gériatrie ; Compétence professionnelle ; Québec ;
Discipline : Sociologie
Région de soutenance : Franche-Comté
Directeur(s) : Jacques-Jouvenot, Dominique et Couturier, Yves
Numéro national : 2011BESA1018
Permalien Sudoc : http://www.sudoc.fr/178632007
Résumé : Les métiers d'aide-soignante, en France, et de préposés aux bénéficiaires, au Québec (Canada) (AS/PB) sont placés au bas de la hiérarchie organisationnelle des organisations gériatriques (EHPAD, en France, et CHSLD, au Québec). Les AS/PB détiennent néanmoins une fonction centrale dans ces organisations puisqu'ils doivent réaliser des actes d'accompagnement et d'hygiène auprès des personnes âgées dépendantes. Nous avons cherché à comprendre comment se transmettent les compétences professionnelles pour les membres de ces métiers. Deux solutions sont fréquemment données : pour les AS/PB, les compétences détiennent un caractère naturel; celles-ci ne seraient pas transmises, mais possédées naturellement. Les directions d'établissement, quant à elles, tendent à démontrer l'importance de la formation dans la libre acquisition des compétences. Nous avons choisi de suivre un autre cheminement de recherche. Nous avons étudié le processus d'intégration des nouvelles recrues dans les organisations gériatriques. 47 entretiens biographiques ont été réalisés auprès d'AS/PB, ainsi que 30 heures d'observation. Nos résultats nous ont prouvé que le fait de devenir AS/PB est largement conditionné par le jugement des pairs lors de l'intégration des nouvelles recrues dans l'organisation. Il semble ainsi qu'une sélection se réalise concernant celles et ceux qui pourront obtenir une place dans l'organisation gériatrique et un emploi d'AS/PB. Cette sélection prend sens lorsque l'on considère les difficiles conditions de travail subies par ces acteurs professionnels. La formation ne permet pas aux recrues de connaître les difficultés engendrées principalement par le manque de personnel et les absences à répétitions. Ces difficultés conduisent la majorité des acteurs à un désenchantement consécutif à l'écart entre l'image idéalisée du métier (le relationnel) et la réalité organisationnelle. Le groupe de pairs, lors de la phase d'orientation, juge préalablement les nouvelles recrues considérées aptes à « pouvoir-faire » les tâches malgré les difficiles conditions de travail. Les compétences professionnelles requises ne se limitent plus aux compétences domestiques. D'autres compétences tacites sont transmises aux recrues jugées compétentes par le groupe de pairs. Elles ont pour but l'utilisation collective de stratégies de contournement de la souffrance au travail. L'intégration a également une place centrale car elle est à la base d'une construction identitaire de la nouvelle recrue. Par le jugement des pairs (l'identité pour autrui), la représentation de soi (l'identité pour soi) tend à se transformer. Les acteurs sont amenés à se présenter comme des individus ayant eu depuis toujours le goût à devenir AS/PB. Pourtant, l'étude de leur trajectoire professionnelle nous permet de considérer qu'ils sont majoritairement touchés par des ruptures biographiques. On assiste ici à un véritable phénomène d'habilitation, c'est-à-dire de construction du professionnel compétent. En effet, par l'habilitation, les acteurs tendent à oublier le processus social qui les a conduits à occuper ce métier, et à présenter leur trajectoire professionnelle comme une continuité homogène. Le processus d'intégration possède de grandes similarités entre la France et le Québec. Le groupe de pairs détient une fonction intégrative importante dans les deux contextes. Il possède également une fonction solidaire, bien plus importante en France qu'au Québec. Face aux jugements critiques des aidants familiaux, le groupe de pairs au Québec ne défend pas nécessairement ses membres. La responsabilité individuelle est plus souvent mise en avant. A contrario, en France, la solidarité des membres du groupe de pairs est essentielle. Mais celle-ci ne permet pas aux aides-soignantes de profiter des remarques valorisantes des aidants familiaux, qui auraient pu accroître leur reconnaissance collective.